Dans un contexte d’après-guerre, les petites maisons d’édition  se multiplient. En s’adressant à des directeurs de revue, Gaston Chaissac diffuse son œuvre littéraire et picturale. Ses lettres sont publiées et le réseau se constitue peu à peu.

juin 30, 2014

 

En 1945, René Rougerie est journaliste à la rédaction du Populaire du Centre. Il rencontre Robert Margerit et Georges-Emmanuel Clancier et décident ensemble de créer une revue. Ils cherchent des nouveaux talents pour Centres, dont l’objectif est de faire connaître la littérature vivante de province. Alerté par Maud Bonnaud, épouse du peintre Oscar Dominguez, René Rougerie découvre Gaston Chaissac dans la revue Pierre à Feu, publiée par Aimé Maeght.  il lui publie « Cinq contes » ainsi qu’un texte fondateur dans lequel l’auteur se place dans la sphère artistique, avant même le manifeste de l’art brut publié en 1949 avec lequel il préfère prendre de la distance.

Cette lettre-manifeste définit sa démarche artistique: la peinture rustique moderne. Ainsi positionné en marge d’une peinture dite cultivée, parisienne, académique, il met en exergue des valeurs d’honnêteté intellectuelle de création, de recherche et de liberté. 

 

 

                                                           Peinture rustique moderne

revue littérature XXème siècleMes préférences vont d’emblée à la peinture rustique moderne et, peintre de village, je lui reste fidèle, trop sûr de faire fausse route si je cherchais à peindre à la façon des artistes peintres des capitales et des sous-préfectures. Nous autres les ruraux de 1946 nous n’avons plus les préjugés d’hier, nous avons évolué et pouvons sans crainte faire des créations à notre idée, insouciants de ce qu’en penseront les bourgeois et d’autres. Dans nos campagnes désertes, rien n’interrompt la méditation si nécessaire avant toute création artistique, et nous ne recevons que  de bien faibles échos de ce qu’on peint dans les cités prestigieuses. Quant à la vie moins intellectuelle et plus saine qui est la nôtre, elle favorise l’éclosion de nos créations. N’ayant nul besoin du dessin et de la palette des autres, oubliant l’univers et travaillant sans autre souci que de progresser d’une façon continue jusqu’à notre mort, des nouveautés nous appartiennent, il n’y a qu’à ramasser.

Sur divers sentiers suivis au cours de mes recherches, j’ai trouvé les bouquets, masques, portraits, etc., que je peux dire miens. Et demain s’ajouteront à ma collection d’autres choses autant miennes.

Sans gestes théâtraux, ni mises en scènes phénoménales, il n’y a qu’à parcourir certaines pistes qu’on connaît bien vite, quoique à peine visibles, et on en revient avec des richesses pour son pays, pour la terre entière.

Ma peinture rustique moderne est encore assez pauvre mais dans une vingtaine d’années j’espère qu’elle sera riche presque autant que la terre. »[1]




[1] Gaston Chaissac, Peinture rustique moderne, Centres, n°3, Limoges, janvier 1946, pp.54-56.



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Gaston Chaissac

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