Insatiablement, chaque jour, de 1938 à 1964, cet épistolier convaincu a écrit sans relâche une moyenne de 4 à 5 lettres par jour, (un blog avant l’heure) où il défriche son univers, donne des clefs de son oeuvre, tisse des liens, attise la curiosité, brouille les pistes, construit des ponts entre les mondes. L'écriture demeure pour lui un média pour être en lien avec le monde intellectuel tout en se protégeant.
Il écrit à ses voisins, sa famille et des inconnus parfois (mais nous pourrions parler ici d’ « acte littéraire »). Il écrit surtout aux acteurs du champ artistique et littéraire : Otto Freundlich, André Lhote, Jean Dubuffet, Jean Paulhan, Gaston Gallimard, Raymond Queneau. Artistes, collectionneurs, critiques, journalistes, directeurs de galerie ont contribué, par leur intérêt porté à Gaston Chaissac à la diffusion de son travail et à la stimulation dont il avait la nécessité absolue pour prolonger sa « mission ».
Ainsi à l’abri du tumulte parisien, Gaston Chaissac a continué à inventer, se laisser parcourir par mille idées stimulantes qui l’ont aidé à demeurer créateur malgré son isolement vendéen.
L'écriture et la peinture sont définitivement issues du même processus de création: la volonté d'assembler le réel, d'articuler les infimes éléments du décor social ou les motifs picturaux pour élaborer une architecture mentale construite à l'échelle d'une vie.
Le calligramme, mot inventé par Apollinaire, construit avec la contraction des mots calligraphie et idéogramme, est un exercice que Chaissac a beaucoup exploré dans ses écrits. Ces dessins-écritures , métissage de ses techniques picturales et littéraires, sont conçus comme des prospectus publicitaires: une cible / un concept, qu’il envoie à ses correspondants.
Calligrammes
« Paulhan qui est un de mes meilleurs amis a une influence considérable pour lancer les artistes. Et j’apprends par un ami commun qu’il fait lire mes lettres, et cet ami ajoute: Vos lettres circulent de main en main comme les apôtres de Saint-Paul parmi les corinthiens. »
Les lettres circulent dans les milieux littéraires et le destinataire n’est plus exclusif. La publication de ces lettres officialisent leur véritable contenu : le récit journalistique et poétique du quotidien. Ces chroniques sont publiées régulièrement dans la N.R.F dès 1953.
Lettre à Joseph Bonnenfant, 2 janvier 1947,collection.particulière.
Chroniques
«J’écris des lettres, pas comme on fait d’habitude, une lettre tout les deux ou trois mois. Quand je commence à écrire à quelqu’un, je le fais tous les jours, parfois plusieurs fois dans la même journée, trois semaines, un mois; je m’arrête un moment, puis je recommence, si j’agace mon correspondant, il jette mes lettres au panier, si je l’intéresse...»
L’intérêt pour les lettres de Chaissac se concrétisera avec Hippobosque au bocage, un corpus de lettres rassemblé par Jean Dubuffet , publié en 1951 chez Gallimard.
Chaissac in ma route d’Aquitaine, Raymond Dumay, 1948
Lettres
Le « Cercle Gaston Chaissac » accompagne les projets d’édition et d’exposition autour de l’œuvre de Gaston Chaissac et organise les authentifications. L'association est hébergée au Musée des Sables d’Olonne, le MASC
Gaston Chaissac est un créateur qui se positionne très rapidemment, après ses années d'initiation, en retrait du champ artistique et littéraire où il ne se sent pas à l'aise. Les échanges épistolaires vont lui permettre de s'intégrer sans être désintégrer.
Gaston Chaissac rejoue en permanence son expérience, son histoire et les liens avec ses pairs dans ses recherches picturales et littéraires : la quète d'identité est au coeur de son travail. Mais cette mission est portée par le jeu de l'expérimentation, les trouvailles, l'invention permanente et les échanges de "recettes" avec d'autres artistes qui stimulent et donnent la force de continuer dans cette voie.
Notre objectif en 2014: profiter d'internet pour apporter une information précise et documentée sur Gaston Chaissac, trouver l'outil adapté pour mettre en valeur son oeuvre originale et foisonnante.
Le site gaston-chaissac.org est destiné aux professionnels du champ artistique, aux enseignants et à ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’Art et à ce « peintre rustique moderne » à la croisée du milieu littéraire et artistique du XXe siècle.