Loin des cercles parisiens, c’est au travers l’écriture que Chaissac a pu se faire connaître : il comprend très vite et on lui fait comprendre que ses lettres circulent et se lisent . Pour le stimuler et l’encourager à continuer, ses destinataires lui répondent : 170 correspondants ont été répertoriés, mais le nombre de personnes qui a reçu des lettres est bien plus considérable).
Pourtant Chaissac n’a pas écrit de façon aléatoire comme on l'a cru longtemps : Plus de 90 de ses correspondants ont un rapport avec le milieu artistique ou littéraire: parmi eux, plus de 30 sont peintres et une quinzaine sont responsables de galerie, environ 30 dirigent des revues ou sont éditeurs et une quinzaine sont journalistes ou critiques. Les deux dimensions développées par Chaissac se retrouvent dans la proportion de ses interlocuteurs.
Dans les années 40, absent de Paris et du milieu artistique et littéraire, comme beaucoup, partis en province ou à l’étranger, Chaissac maintient un lien avec ses pairs grâce à l’écriture à laquelle il accorde quatre à cinq heures par jour. Ce fil d’Ariane épistolaire lui permet d’échapper à l’isolement en rendant acceptable la mission qu’il s'est imposée. L’extension naturelle de l’écriture est la lecture par laquelle Chaissac va assimiler les courants artistiques et littéraires naissants, et surtout les rapports de force, les amitiés entre artistes et écrivains qui vont l’aider à décrypter les réseaux de relations, au travers les petites revues spécialisées et les publications.
La légitimation de Chaissac est arrivée par la peinture pourtant, ce sont les hommes de lettres qui ont le plus rapidement repéré et reconnu Chaissac. Dès 1942, à Saint-Rémy de Provence chez Albert Gleizes, Chaissac rencontre la romancière Marie Mauron et son mari Charles, Lanza del Vasto qui a écrit sur ses expériences spirituelles, Aimé Maeght, galeriste mais aussi éditeur, André Bloc, sculpteur et responsable d’une revue d’art et d’architecture. Chaissac développe son activité épistolaire quand il rejoint Camille en Vendée, et c’est tout naturellement qu’il s’adresse à des poètes, des éditeurs et des écrivains, dont les réflexions croisent celles des artistes et qui lui font parvenir leurs ouvrages.
Chaissac correspond alors avec ces écrivains, chercheurs, théoriciens qui participent aussi à des revues : Cattiaux qui écrit son manifeste en 1948, le message retrouvé, des hommes qui ont un autre métier mais qui écrivent et publient leur travail: André Dez, professeur à Lyon, François Merlet fauconnier, Jules Mougin facteur, Maurice Pernette bouquiniste, Lebesgue agriculteur. Koenig responsable de Panthomas, L’Anselme pour Faubourg, Pol Bury pour le Daily-Bul, Camille Claus, responsable du Carré de l’hypothénuse à Lyon, Ferens aux éditions du Groupe de Libre Création, Seghers à la fois éditeur et poète et Paulhan qui participe à de nombreuses revues.
Sur la totalité répertoriée de la bibliothèque familiale en 1964, nous pouvons trouver 34 auteurs qui sont aussi des correspondants: Jean L’Anselme, Michel Boujut, Pol Bury, Louis Cattiaux, Chapelain Midy, , Philippe Dereux, Robert Giraud, Anatole Jakovsky. Le cercle de la N.R.F : Queneau, Paulhan, Dubuffet. mais il existe d’autres cercles : la littérature prolétarienne avec Henri Poulaille, Henry, Michel Ragon; Le Surréalisme avec Benjamin Perret, Ghérasim Luca, André Dhotel, et surtout beaucoup de poètes et écrivains publiant dans de petites maisons d’édition.
Gaston Chaissac n’est pas l’artiste isolé et spontané contrairement à ce que suppose sa légende. Il est informé, relié et stimulé et nous fait prendre ainsi, toute la mesure de son œuvre.
Le « Cercle Gaston Chaissac » accompagne les projets d’édition et d’exposition autour de l’œuvre de Gaston Chaissac et organise les authentifications. L'association est hébergée au Musée des Sables d’Olonne, le MASC
Gaston Chaissac est un créateur qui se positionne très rapidemment, après ses années d'initiation, en retrait du champ artistique et littéraire où il ne se sent pas à l'aise. Les échanges épistolaires vont lui permettre de s'intégrer sans être désintégrer.
Gaston Chaissac rejoue en permanence son expérience, son histoire et les liens avec ses pairs dans ses recherches picturales et littéraires : la quète d'identité est au coeur de son travail. Mais cette mission est portée par le jeu de l'expérimentation, les trouvailles, l'invention permanente et les échanges de "recettes" avec d'autres artistes qui stimulent et donnent la force de continuer dans cette voie.
Notre objectif en 2014: profiter d'internet pour apporter une information précise et documentée sur Gaston Chaissac, trouver l'outil adapté pour mettre en valeur son oeuvre originale et foisonnante.
Le site gaston-chaissac.org est destiné aux professionnels du champ artistique, aux enseignants et à ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’Art et à ce « peintre rustique moderne » à la croisée du milieu littéraire et artistique du XXe siècle.