Alors que Gaston Chaissac n’était pas prédestiné à devenir artiste, sans formation artistique ni possibilité d’accès aux réseaux intellectuels, il rencontre en 1937 le peintre et sculpteur Otto Freundlich. Ce dernier, très intégré au milieu artistique d’avant-garde, l’initie à une forme d’expression picturale à laquelle Chaissac adhère totalement.
L’époque voit un intérêt pour le primitivisme dès la fin du XIXe siècle. Les avancées de la psychanalyse, l’utilisation de matériau de récupération dans les œuvres de Picasso, Braque ou Ernst, les recherches picturales sur la spontanéité de COBRA, puis l’art brut annoncent un mouvement vers des artistes « indemnes de culture » selon les termes de Jean Dubuffet qui influencent et stimulent un univers artistique en pleine mutation idéologique, stigmatisé par la seconde guerre mondiale. Chaissac s’inscrit tout naturellement dans cette filiation, tourné vers la recherche et l’exploration, au détriment d’une reconnaissance économique à l’instar de ses initiateurs dévoués à leur art.
Objets de rebut, détournement de matériau, assemblages d’éléments naturels deviennent des outils indispensables afin de briser le geste virtuose qui reproduit sans créer.
Ainsi, Chaissac, avec ses outils d’homme du peuple, fort de son expérience auprès d’artistes engagés, brise sans cesse l’équilibre des certitudes en mélangeant les mondes, les savoirs et les positionnements.
En cultivant la maladresse du geste, en tirant parti du matériau à sa disposition, Gaston Chaissac invente une véritable posture qui l’ancre solidement dans le champ artistique contemporain.
La communication avec ses pairs reste essentielle à la maturation de son œuvre qui s’enrichit du regard porté sur elle. Chaissac nous fait alors comprendre que le jeu engendré par l’exploration, les mots qui entourent son travail pictural et la stimulation de l’échange sont déterminants pour la reconnaissance dont il a éperdument besoin.
Les premiers motifs en "dentelle" apparaissent dès 1938, simultanément dans les petites gouaches mi-figuratives mi-abstraites et dans les dessins à l'encre de chine que Gaston Chaissac baptisera "l'idée première enselvie sous les dogmes", le stade "Morula" de l'oeuvre.
Ces motifs, réel alphabet pictural de l'oeuvre, se déclineront, avec une variabilité et une régularité de façon omniprésente.
Les dessins-dentelles
Les grands personnages à l'huile ou à la gouache arrivent tout naturellement quand Chaissac cesse d'être nomade pour s'installer dans le logement de fonction de l'école où Camille, son épouse est institutrice à Boulogne en Vendée. Il a de la place pour peindre de grands formats et les faire sécher, des amis lui envoient des couleurs. Avec ses personnages "charismatiques" dont les premiers sont présentés dès 1944 dans les salons parisiens, il rencontre son public, il est remarqué, il vend même quelques tableaux.
Les personnages
Chaissac recherche en permanence le renouvellement du geste pour éviter de reproduire des formes trop maîtrisées. En provoquant l'accident, la rencontre fortuite avec des matériaux improbables, il permet d'inventer de nouvelles formes inédites: épluchures de légumes, casseaux de faïence, trace d'humidité deviennent des gabarits, des contours pour créer des traits originaux. La contrainte de la technique lui fait explorer de nouvelles possibilités graphiques.
Les empreintes
«Les ordures sont des éléments picturaux de premier ordre»[1] écrivait Gaston Chaissac.
La recherche permanente du renouvellement de la forme pousse l’artiste à s’intéresser aux objets de rebut. Ils ont une histoire, une trajectoire que leur réhabilitation métamorphose. Les collages procèdent du même processus. Le tout premier objectif de Chaissac est évidemment le jeu et la surprise provoqués par la mise en œuvre dans cette réappropriation.
[1] Lettre de Chaissac à Dubuffet, septembre 1947, in Hippobosque au bocage, Alençon, Gallimard, 1990, 231 p., p. 37.
Les objets de récupération | les collages
Les totems
Le « Cercle Gaston Chaissac » accompagne les projets d’édition et d’exposition autour de l’œuvre de Gaston Chaissac et organise les authentifications. L'association est hébergée au Musée des Sables d’Olonne, le MASC
Gaston Chaissac est un créateur qui se positionne très rapidemment, après ses années d'initiation, en retrait du champ artistique et littéraire où il ne se sent pas à l'aise. Les échanges épistolaires vont lui permettre de s'intégrer sans être désintégrer.
Gaston Chaissac rejoue en permanence son expérience, son histoire et les liens avec ses pairs dans ses recherches picturales et littéraires : la quète d'identité est au coeur de son travail. Mais cette mission est portée par le jeu de l'expérimentation, les trouvailles, l'invention permanente et les échanges de "recettes" avec d'autres artistes qui stimulent et donnent la force de continuer dans cette voie.
Notre objectif en 2014: profiter d'internet pour apporter une information précise et documentée sur Gaston Chaissac, trouver l'outil adapté pour mettre en valeur son oeuvre originale et foisonnante.
Le site gaston-chaissac.org est destiné aux professionnels du champ artistique, aux enseignants et à ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’Art et à ce « peintre rustique moderne » à la croisée du milieu littéraire et artistique du XXe siècle.